Conseil d'Etat assemblée, 1995, arrêt Commune de Morsang sur Orge et arrêt ville d’Aix en Provence


Deux arrêts du même jour.

« Considérant qu’il appartient à l’autorité investit du pouvoir de police municipal … que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public … que l’autorité investit du pouvoir de police municipal peut même en l’absence de circonstances locales interdire … »  (cf. arrêt pour citation).

Deux points essentiels :

  1. le respect de la dignité de la personne est une composante de l’ordre public
  2. même en l’absence de circonstances locales.


Ici on est dans une situation différente de la jurisprudence Lutétia. Le pouvoir de police peut intervenir au nom de la préservation de la dignité humaine et peut le faire indépendamment des circonstances locales.

L’arrêt est rendu sur les bases des conclusions Frydman, revue française de droit administrative. Le
commissaire du gouvernement fait référence à la jurisprudence Lutétia. Le pouvoir de police qui se déduit de cette jurisprudence Lutétia préserve la moralité publique a pour objet la prévention des atteintes publiques au minimum d’idée morale dans la population.


  • Pour lui la dignité de la personne humaine est une des idées morales admise dans la société française, principe constitutionnel et idem au niveau européen.
  • On l’a vu aussi dans les lois bioéthiques. Dans la première décision sur la loi bioéthique du 27 juillet 1994, le conseil constitutionnel pour apprécier la constitutionnalité des lois bioéthiques se réfère à la première phrase du préambule de la constitution de 1946. L’idée est que vu ce qui vient de passer (nazismes, etc.), la sauvegarde de la dignité essentielle est essentielle. Le CC tire de la phrase « sauvegarde de la dignité humaine » pour ériger ce principe en tant que principe constitutionnel.
  • Idem niveau européen, le principe de dignité s’appui sur l’article 3 de la CvEDH qui interdit la torture et les traitements inhumains et dégradants (torture au sens physique ou moral). L’article 2 également sur le droit à la vie ou l’article 4 qui interdit la servitude. Ces articles sont suffisamment essentiels pour que la CEDH en fasse des principes de référence.

Ces articles conduisent le CE à mettre en avant le principe de respect de la dignité de la personne humaine. Frydman souligne que l’ordre public doit intégrer cette composante nouvelle de principe de respect de la dignité de la personne humaine. Frydman souligne la réification de la personne humaine en soulignant que cette personne est rabaissée au rang d’objet en raison même de son handicap. Peu importe :

  1. qu’il y ait l’accord de la personne concerné,
  2. qu’il n’y ait aucun risque pour sa sécurité et
  3. que ce soit est un moyen d’insertion sociale pour le nain car il y trouve un travail et une rémunération.

Ces trois éléments sont sans incidence sur ce que préconise Frydman, c'est-à-dire l’interdiction d’une activité qui réifie. « ce concept absolu ne saurait s’accomoder … sur son sujet ». « de par sa nature même … doit être placé hors commerce ».

Autrement dit, non seulement la préservation de la dignité de la personne humaine est d’ordre public mais aussi absolu, du coup ça ne se négocie pas localement. Par conséquent, les circonstances locales qui jouent dans la jurisprudence Lutétia par rapport à la moralité publique ne jouent pas ici face à ce concept absolu. Dans ses conclusion, Frydman prend des précautions et dit que la notion d’atteinte à la dignité de la personne est à entendre restrictivement, il faut éviter « toute velléité d’ordre moral … n’importe quoi ».

Cette jurisprudence a été très critiquée sur des plans différents. La majorité de ces critiques est sans doute assez fausse.

Pour généreuse et utile qu’elle soit, cette protection de la dignité de la personne humaine n’est pas sans risque de dérive, risque d’autant plus important que ce pouvoir de protection de police général est exercé par les maires. On peut se demander à cet égard s’il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’autorité compétente pour prendre cette décision : ce n’est surement pas à des maires dans le cadre de leur pouvoir de police municipal que cela doit être interdit. Ici ce n’est pas tant la réponse que le lieu de la réponse que l’on peut critiquer. D’une part ce n’est pas la bonne instance, si tant est que ce soit interdit, et cette instance est sujette à la multiplication car on a 36 000 maires.

Deuxième critique dans un cadre plus anthropologique, c’est que dans l’affaire on ne réifie pas n’importe quelle personne mais une personne handicapée. Froment, 1996, revue de droit public : ici ce qu’on interdit est finalement est que l’on stigmatise ce handicap. Il y a une analyse intéressante entre le corps et la personne. Cette jurisprudence est invalidante pour les handicapés car elle stigmatise leur handicap et ainsi ne peuvent faire profit de leur handicap, alors même que ça leur permet une réinsertion par le travail.